Article publié dans la revue Intermédiés
Septembre 2018
Il nous est très difficile d’imaginer que les deux postures de coach et de médiateur se ressemblent ou ont quelques similitudes. Les puristes nous jetterons la pierre. Comment serait-il possible que ces deux métiers de tiers accompagnants se rejoignent sur certains points ?
Pourquoi est-il si difficile d’imaginer que ces deux postures se rejoignent ? Il est souvent perçu que les deux métiers ne se ressemblent pas du tout. Qu’il faille absolument dissocier les deux, et qu’une double activité n’est pratiquement pas possible en tant que tiers accompagnant.
La médiation demeure un métier encore tellement perçu comme institutionnel qu’il est difficile d’y faire rentrer d’autres pratiques. Et le coaching lui-même détient encore la peur de s’auto-galvaniser.
Les deux sont cependant inévitablement complémentaires, et se rejoignent en plusieurs points.
Où se rejoignent-ils ?
Tout d’abord, l’objectif est le même dans les deux activités : comment faire réfléchir et rendre autonome. Il s’agit d’accompagner, de libérer les personnes de leurs obstacles internes, « de responsabiliser, d’aider à faire des choix, et à trouver l’autonomie suffisante pour avancer dans un projet » (1). Dans un cas comme dans l’autre, c’est un objectif de moyen, et non de résultat.
Il y a un moment bien particulier où le coaching rejoint la posture du médiateur. C’est celui de la réunion tripartite. Cette réunion est organisée lors d’un coaching entre deux clients.
En effet, dans le cas d’un coaching Manager/Collaborateur “le coach aura comme objectif non plus de faire réfléchir une mais deux parties dans un même espace-temps pour qu’ils trouvent par eux même un accord sur l’orientation du coaching, les objectifs et les moyens de mesure”. (2) Il doit, tout comme un médiateur, gérer les désaccords et arriver à un consensus en cas de conflit avec l’ensemble des parties.
Dans les deux activités la notion d’impartialité est bien présente : dans le coaching, l’impartialité se traduit par la distance avec le client. Incarner le non jugement, éviter la posture du sauveur, la sympathie ou l’antipathie avec son client est exclue.
Pour un médiateur, cette notion d’impartialité se traduit par la difficulté de rester neutre face aux parties.
Dans la médiation, nous retrouvons les outils du coaching. Le coach doit adopter une approche systémique du problème : étudier avant et pendant, et de façon globale, le système d’interactions entre les différents acteurs. Le médiateur, quant à lui observe aussi les modes d’interactions et de communication entre les différentes strates du système familial ou de l’organisation.
Parlant de points communs, voilà deux outils indispensables : l’écoute et le questionnement qui font partie de la boîte d’intervention du médiateur et du coach.
A quels endroits font-ils deux métiers différents ?
Des différences évidentes rendent chacune de ces activités bien singulières.
La médiation serait orientée principalement sur la restauration de la relation. Souvent « dans la redéfinition d’un projet et de manière plus spécifique dans des contextes conflictuels ou dans une perspective de la mise en cause de la qualité relationnelle » (1) .
La personne qui vient en médiation se trouve, généralement, dans une situation de blocage, immergée dans un conflit qui la pousse spontanément vers l’adversité. Les parties viennent rarement d’une façon spontanée vers une médiation.
Le coaching lui, s’oriente sur un processus créatif visant l’apprentissage et le changement chez une personne. La personne qui choisit de faire un coaching, sauf imposé par son supérieur, ce qui en contrarie fortement les chances de succès, s’engage en toute liberté, accompagnée du coach pour apprendre à faire autrement.
Dans le coaching, c’est la personne qui est mise en perspective contrairement au cas de la médiation où la relation joue l’élément central.
La complémentarité, et l’intérêt de se former aux deux compétences
Très peu de liens et de passerelles semblent se tisser entre ces deux postures, en particulier dans le monde professionnel. Au-delà des problèmes de territoire, l’étanchéité des frontières vient des peurs de se fondre dans la confusion et le désordre déontologique, chacun restant dans son monde et craignant que leur « appellation » n’en soit d’autant plus galvaudée.
Pour l’accompagnement humain, il existe un grand intérêt à faire jouer la complémentarité de ces deux postures.
Dans la formation
Les coachs seraient encore peu nombreux à se former à la médiation, pratique moins connue par rapport au coaching en France. Pourtant au regard de la posture et de l’outillage nécessaire à la tenue de la réunion tripartite, comme vu plus haut, ils y gagneraient en efficacité.
Le coach pourrait également aider son client à dénouer les conflits grâce aux outils de la médiation.
Les médiateurs eux aussi, auraient intérêt à se former aux fondamentaux du coaching. Par exemple pour les espaces relationnels bloqués où certains outils seraient intéressants à expliquer aux parties. Entre autres : ce que le conflit renvoie sur soi, comment aborder les sujets de tensions, comment les stratégies de fuite et les jeux de pouvoirs influencent nos relations et augmentent les conflits. Comment notre élan vital se trouve bloqué par des conditionnements (éducatifs, sociaux, culturels) qui nous amènent à coller des étiquettes nous coupant de nos émotions et de nos besoins fondamentaux (3).
Faire des parenthèses « meta » pendant la médiation, en quelque sorte des pauses « coaching », pourrait aider grandement les parties à comprendre comment elles ont pu en arriver là. Une clef de voute dans la médiation.
Je trouve une vraie pertinence à être un médiateur-coach, ou un coach-médiateur. Pouvoir intervenir avec ces outils dans les situations de changements organisationnels, de tensions, en se servant de l’une ou de l’autre casquette, tout en sachant laquelle utiliser et à quel moment. Attention ! Néanmoins, à mettre de la clarté et de la conscience sur la casquette utilisée en cohérence avec l’action, et bien dissocier les deux.
Comment ouvrir les frontières des deux pratiques ?
Dans la pratique, on peut très bien envisager une médiation qui se termine par une recommandation de coaching pour l’une des parties s’il existe une difficulté de communication (par exemple un manager autoritaire qui doit travailler sur son intelligence relationnelle). On pourrait appeler cela comme un passage de relais à un intervenant spécialisé en coaching.
Et inversement, un coaching peut déboucher sur une médiation lorsque l’intervenant s’aperçoit de l’importance de faire dialoguer les deux parties. En recommandant un collègue médiateur si un conflit entre collaborateurs perdure et bloque la situation depuis une durée significative. Entrainant une souffrance morale et parfois physique pour au moins l’une des personnes.
Au final, on peut dire que ces deux postures sont complémentaires et bien utiles lorsqu’elles sont activées là où l’une ou l’autre ont atteint leur limite.
Par Amandine Bernascon,
Coach et médiatrice indépendante, spécialisée dans le développement des potentiels individuels, de l’intelligence collective et du mieux vivre ensemble, notamment formatrice IFOMENE et co-présidente du Club des anciens de l’IFOMENE (Institut de Formation à la Médiation et la Négociation, Institut Catholique de Paris),
Sources :
(1) « Coaching professionnel et médiation professionnelle », Wikimediation – L’Observatoire International de la médiation http://fr.wikimediation.org/index.php?title=Coaching_professionnel_et_m%C3%A9diation_professionnelle
(2) « Lorsque que le coaching rejoint la médiation », Stéphane Seiraq, https://www.officieldelamediation.fr/2016/10/03/lorsque-le-coaching-rejoint-la-mediation/
(3) Rosenberg R. (1999). Les mots sont des fenêtres (ou des murs) : Introduction à la Communication NonViolente. Thonon Les Bains : Editions Jouvence
Autres références bibliographiques :
Bourry D’Antin M., Pluyette G., Bensimon S. Art et Techniques de la Médiation. (2004). LexisNexis
Darmouni D. (2011). Artisans du devenir, 16 coachs témoignent de leurs méthodes, et de leur expérience. Pearson Village Mondial.